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Photo du rédacteurValérie Duvauchelle

L'absorption silencieuse de l'assise




Voici la traduction complète du texte Fukan zazen gi de Dogen , fondateur de l'école Soto zen traduit par maitre Pierre Taigu Turlur qui nous explique simplement comment se laisser assoir par la posture naturelle de notre être.

Moine ou laïque peu importe, revétez simplement votre dignité et laissez vous assoir par votre vie toute entière.



Fukan zazen gi (Manuscrit original, shinpitsubon) De la main d’un Sramana qui se rendit en la Chine des Song et y reçut le Dharma. Alors que nous la recherchons, la voie-vérité pénètre originellement toutes choses. Le véhicule de la réalité existe naturellement: pourquoi s’efforcer alors de l’atteindre? Bien plus, le vaste corps est au-delà de la poussière du monde: qui croirait nécessaire de le balayer et de le polir? En général, nous ne sommes jamais vraiment éloignés de ceci, de ce lieu où nous devrions être, quelle pourrait être alors l’utilité de l’entraînement diligent? Cependant, s’il se trouve un écart aussi ténu soit-il, la voie sera aussi éloignée que le ciel l’est de la terre et si s’élève la moindre préférence ou le moindre rejet, l’esprit s’égarera dans la confusion. Souvenez vous que les temps sans fin à tourner la roue du Samsãra viennent d’un seul moment de discrimination. Les chemins illusoires du monde ordinaire ont pour origine l’incessante intellectualisation. Si vous souhaitez même vous affranchir des suprêmes états, faites simplement l’expérience directe de la réalité ici et maintenant. Il se peut que nous soyons fier de notre compréhension et que, doté de bien des réalisations nous ayons atteint des états de pénétration, réalisé la vérité et clarifié l’esprit, et touché le ciel avec la pensée et cependant nous nous perdons dans notre tête et ignorons le chemin dynamique qui libère le corps. Nous pouvons encore contempler les traces laissées par le vieux maître Shakyamuni à la sagesse innée et de son assise le corps droit six années durant. De même, que dire de Bodhidharma qui transmit le sceau de l’esprit et s’assit face au mur pendant neuf années? Puisque jadis les sages étaient ainsi, comment aujourd’hui pourrait-on se dispenser de pratiquer de tout son cœur? Laissez donc là le travail intellectuel, l’étude des textes et la poursuite des mots et faites le pas en arrière qui illumine votre nature véritable et la reflète. Le corps et l’esprit tombent d’eux-mêmes alors qu’apparaît le visage originel. Si vous souhaitez réaliser cela, pratiquez sur le champ le dhyana-assis. Pour la pratique du zen - assis une pièce silencieuse est préférable, mangez et buvez modérément, abandonnez toute entreprise et toutes vos petites occupations. Ne pensez ni au bien ni au mal, ne vous souciez plus d’avoir raison ou tort. Cessez tous les mouvements de l’esprit, de la volonté et de la conscience. N’entretenez plus de jugements, leurs images, souvenirs et réflexions. Afin de s’asseoir droit, on étend une natte épaisse sur laquelle on pose un coussin. On s’assoit alors en lotus ou en demi-lotus. Pour s’asseoir en lotus il suffit de placer le pied droit sur la cuisse gauche et ensuite le pied gauche sur la cuisse droite. Pour prendre un demi-lotus, placez simplement votre pied gauche sur la cuisse droite. Desserrez le vêtement et arrangez le soigneusement. Placez ensuite la main droite sur le pied gauche et placez la main gauche au dessus de la paume droite. Les pouces se touchent légèrement. Asseyez vous bien droit, sans pencher sur la gauche ou la droite, ni vers l’avant ou l’arrière. Il est vital de bien aligner les oreilles à la perpendiculaire des épaules et s’assurer que le nez est dans l’alignement du nombril. Laissez la langue reposer sur le haut du palais et les lèvres et les dents se toucher. Gardez les yeux ouverts. Une fois la posture du corps stable, laissez la respiration se réguler d’elle même. Quand une pensée s’élève en l’esprit, éveillez-vous. Éveillez-vous à elle et elle s’évanouira. Oubliant toute occupation et souci, soyez d’un seul tenant. Tel est le secret du s’asseoir en dhyana. Cette assise est la porte du Dharma, vaste, paisible et dépourvue d’effort. Si vous en avez réalisé le sens, les quatre éléments de votre corps deviendront légers et calmes, l’esprit sera vif et la conscience claire. La saveur du Dharma nourrira votre être, la quiétude vous sera joie et chaque jour vous en userez naturellement. Ceux qui l’ont véritablement réalisée sont comme un dragon ayant enfin gagné l’eau, ou le tigre pénétrant la montagne. Souvenez-vous que quand la vraie conscience se manifeste, obscurcissement et distraction n’ont plus de prise.

Vous relevant de l’assise, vous devez mouvoir le corps lentement, avec calme et confiance. Ne vous précipitez pas. Et préservez en toutes circonstances le pouvoir conféré par l’état d’équilibre. Vous devez aussi en cet état d’équilibre avoir dépassé le sommet de la barrière, il n’est rien originellement sur quoi s’appuyer. Ayant abandonné même tout attachement à cet état, il suffit d’être soi-même et il n’y a plus lieu de stagner. Maintenant est la réalisation de la vérité absolue. L’état de dhyana est la seule et la plus haute des réalisations, la plus excellente des portes. Comprenez et pratiquez même un peu ce principe même. Une simple fleur tournée entre les doigts et un sourire apparaît, une prosternation silencieuse et la moelle est reçue, la grande libération est atteinte grâce à l’état du samadhi. Et comment vous, bodhisattvas, qui avez pour étude la sagesse, pouvez vous ne pas acquiescer? Ceux qui par le passé ont dépassé l’ordinaire et le sacré s’en sont remis à cette expérience, c’est à ce samadhi que l’on doit de mourir assis ou debout. De plus, le rôle joué par un doigt, un mât, une aiguille ou un maillet, ou la réalisation permise par un chasse-mouches, un poing, un bâton ou un cri, ne peuvent être compris par l’esprit discriminant. Encore moins le pourraient-ils par les pouvoirs magiques et mystérieux. Ces dignes attitudes se tiennent en dehors du son et de la forme, et proviennent de cette réalité d’avant le voir et le savoir. Voilà pourquoi on ne considère pas l’intelligent comme supérieur et le sot pour inférieur. On ne se soucie pas d’être malin ou idiot. On laisse de côté les six perceptions et l’on contemple la vérité dans sa totalité. Sans entretenir une seule pensée, on assoit les dix directions. De manière générale, dans ce monde ou en d’autres, l’enseignement du Bouddha ne comporte pas de différences. Cependant en Inde et en Chine, à partir de Bodhidharma, cinq lignées surgirent, chacune préservant le sceau de l’assise et chacune pratiquant librement la voie originale fondée sur la transmission intime de personne à personne pointant directement la réalité. Toutes se dévouant à retourner le corps et la tête. Bien qu’émergent des milliers de différences et de distinctions, nous devons simplement nous contenter de vivre la joie qui consiste à revenir au soi-même . Pourquoi négliger notre simple assise sur la plate-forme et nous perdre et égarer dans les terres poussiéreuses et lointaines? Il suffit que nous nous trompions d’un pas pour que nous manquions le présent. Ayant reçu l’intelligence dans ce corps d’homme, gardons nous de gaspiller notre temps. Préservons la pensée de la vérité du Bouddha en notre esprit, et ne tirons pas vainement de joie de ces étincelles jaillies d’un silex frappé. Notre corps est semblable à une goutte de rosée ou à l’herbe fragile, la vie passe avec la célérité de l’éclair, elle disparaît soudainement, évanouie en un instant. Je vous en prie, chers amis qui êtes à l’école de la pratique, ne vous laissez pas abuser par les images et ne redoutez pas le vrai dragon. Mettez vos pas sur le chemin qui vous conduit directement à la réalité. Devenez enfin un être humain véritable, une personne qui, au delà de l’étude, est libérée de l’intention d’accomplir. Suivez diligemment les règles établies par Hyakujo, devenez intime avec la voie de Bodhidharma. Ne prêtez ni attention au vent qui vous siffle à l’oreille ni aux bavardages et qu’en-dira-t-on. Contentez vous d’ouvrir la chambre au trésor du soi-même et recevez-en le contenu pour en user à votre guise. Écrit en Chugen, le 15 juillet, de la première année de Tenpuku ( 1227 ) au temple de Kannon dori in. Traduit du texte original, grâce aux notes de mon maître et à la lumière de shikantaza par le moine Taïgu dans l’été 2020, juste avant la mi-juillet.

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