Valérie Dai Hatsu Duvauchelle
Ma rencontre de la shôjin ryôri commença pas l'assise de zazen . D'abord seule puis dans les temple de Soji-ji où chaque semaine pendant des années je me rendais tous les dimanches ainsi qu'aux retraites d'été et d'hiver. Mon élan vint de la joie générée par ces moments et par l'énergie reçue de tous ces moines. Pourtant je ne connaissais rien au bouddhisme et n'était même pas intéressée. C'est par le corps, à m'assoir, faire , chanter ensemble avec les moines que la resonance s'est faite pour moi..Ce n'est qu'à mon retour en France en 2012 que je commençai à étudier le bouddhisme zen dans les textes. Toujours profondément ancrée dans la sécularité je m'intéresse principalement à la posture de zazen en tant que processus d'ajustement inclusif au monde de la même manière que j' explore la nourriture comme l' espace de résonance co- construisant le monde et qui amène la joie de vivre , surtout cela !

BIO :
De 2003 à 2007 je pratique au temple de Soji -ji ( Tsurumi, Kanagawa prefecture) sous la révérence de Noda Godo roshi et découvre la pratique de la cuisine zen avec le Tenzo ( cuisiner de la pratique ) Koganeyama Roshi.
C'est également à Soji-ji que je rencontre Isshô Fujita que je suivrai plus tard au Chizanso de Hayama ( près de Kamakura).
Ma vie se partage alors entre mes ateliers de cuisine végétale, ma pratique zen, la permaculture et mes voyages dans les temples à la rencontre de tenzo.
En 2012 je reviens en France avec le désir de transmettre à tous cette pratique et crée La cuisine de la bienveillance.
En 2014 je rencontre Dainin Joko Procoppio qui m'offre la fonction de Tenzo
EN 2017 je prend les voeux ( tokudo) de moniale
En 2018 je rejoins l'ordre des montagnes et des nuages sur les traces de Pierre Taigu Turlur
En 2019 je partage la pratique de la nourriture de la bienveillance en itinérance et visite régulièrement des communautés intentionnelles ( Tamera entre autre)
En 2020 j'explore la question de la communauté en tant que processus transformatif dans le contexte sociétal actuel. Dans cet esprit je suis également engagée dans la coopérative des MIC ( maisons de l'intelligence collective )
Pratique :
Je suis avant tout pratiquante zen, moniale de l’école Soto. Je pourrais dire aussi que je vis autant que je le peux dans le plein potentiel de ma vie , pour moi cela veut dire la même chose.
Ma pratique repose sur la présence active à ce qui est , juste cela et sans observation particulière . Aucun but, aucune intention à s’assoir ( entre autre) et de cette non intention un espace se crée, une disponibilité poreuse à la réalité qui n’est plus observée mais par laquelle on se laisse respirer.
Se laisser traverser par le vivant, vivre pleinement, est l’élan de cette pratique qui repose autant sur la méditation, que sur la cuisine ou les repas. Ainsi en cuisine différentes portes d’entrée permettent de protéger ce cadre de disponibilité , cet espace d’activation du vivant qui ne peut exister que dans la pleine absorption à ce que l’on fait ( les 6 saveurs, les 5 contemplations, les 3 esprits, les 3 bols)
Juste s’assoir, juste cuisiner, juste manger .
La tradition zen propose sans dogmes les moyens de « designer » cet espace grâce à la posture de zazen, à la composition des menus aux 6 saveurs, 5 couleurs etc à la pratique des bols durant les repas , mais aussi à la manière de faire le ménage, de se prosterner , de chanter , tout est cadre d’activation du vivant .
Dans cette pratique , j’œuvre dans la communauté ( au sens large ) en tant que tenzo , le cuisinier de la juste place .
Posture au monde:
L’écosystème de cette pratique repose sur la trinité du bouddha , dharma , sangha que l’on peut actualiser en parlant de
-sa nature réveillée au vivant
- de la réalité telle qu’elle est non entachée de nos projections
- de la communauté
De mouvement circulaire infini , tout nourrit tout mais rien ne peut circule si l’on ne les intégre pas toutes ( inclusion).
Sur le chemin de la spiritualité séculière et avec les méthodologies de développement personnel ( nécessaires par ailleurs ) on a séparé la spiritualité et la communauté. On veut grandir spirituellement mais dans son coin et en ayant perdu notre lien biologique avec une terre qui se meurt et donc qui nous meurt. Dans cette narration séparatiste ( individualiste) on a perdu également le pouvoir de l'intuition collective .
C'est en Réexpérimentant la systémique de la communauté ( en accord avec les 2 autres joyaux) , en retrouvant l'activation émergeant de notre réalité intriquée au vivant que nous nous accorderons à la réalité telle qu’elle est . En ce sens cette pratique est profondément politique, engagée et actuelle.
Repenser la communauté dans cette trinité aujourd’hui est ma danse, et m’amène à repenser le zen comme un activisme contemplatif où l’action ajustée à ce qui « est » émerge de la présence active, de zazen , de l espace vidé de ses projections ( croyances , ambitions de solutions, désirs de faire parce que l’on sait ..) .
De cette écoute profonde , un réapprentissage du vivre ensemble en profonde intégration avec tous les êtres surgit. Et vice versa , de la réconciliation aux autres êtres une autre communication entre humains émerge .
Mais sur ce chemin nous rencontrons l’amnésie issu du trauma de la guerre ( elle même issue de l’illusion de la séparation, de la non confiance entre humains , de pensées hiérarchiques et séparatistes , de l’exploitation du vivant humain et non humain) .
L’expérience de la communauté retrouvée requiert une transition qui passe par l’humilité :
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Celle de comprendre que nous avons intégré les structures capitalistes jusque dans la sphère de l’intime : nous consommons les idées, les relations, la sexualité , la beauté , les actions dans un cadre normé par la mesure, la valorisation et la comparaison nous amenant à une incomplétude quasi permanente . Personne n’est hors de ce cadre et ces structures se réactivent à chaque rencontre ( via les trauma collectifs intégrés) . Le savoir et trouver des pratiques de dissolution de la chaine causale des réactivités est fondamentale aux communautés à venir ( zazen , forum zveig, cercles d’écoute profonde, cercle de resolution, wtr ..)
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Comprendre que « our best thinking brought us here ! » ( nos plus belles intentions nous ont amené à ce résultat) . Notre cerveau séparé ne peut produire aucune pensée régénératrice car aussi brillantes que semblent être nos solutions face au changement climatique, si elles n’émergent pas d’une source d’intelligence collective elles ne seront pas profondément ajustée. Le savoir et se rassembler pour laisser surgir la joie de l’action, entendre l’inspiration que ce soit en s’asseyant ensemble, en cuisinant ensemble ou en mangeant ensemble,en jardinant , bricolant , peut importe mais dans la « neo -croyance que c’est par cela que nous penserons harmonieusement est aussi fondamentale.
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Ne pas croire que l’on est là pour sauver le monde mais pour vivre : c’est une posture bien différente de celle du militantisme écologique . C’est la posture d’une croyance non linéaire et non utilitariste : prendre pleine responsabilité de vivre sa vie dans sa multidimensionalité , être en mesure de rentrer dans l’émerveillement qui ouvre le cœur et guide l’action . C’est peut être là, la plus grande contribution , la plus efficace que l’on puisse offrir aujourd’hui dans la guérison du monde. C’est la question de l’urgence revisitée : il est urgent effectivement de ralentir et de vivre sans autre objectif que de contempler le monde dans un silence radical comme le propose aussi Bayo Akomolafe. ( d’emergence network).Dans cet espace de fluidité offerte par la disponibilité nous pouvons ressentir la symbiose du vivant et en lien profond avec cette réalité immanente du souffle AGIR.
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Retrouver le sens profond de la nourriture en tant qu’espace d’activation au vivant et vecteur de reliance joyeuse au sein de la communauté ( de l’organisation des courses à la composition des menus , aux rites des repas ), pour vivre differement le monde et se laisser activer par la vie.






Noda Godo Roshi Koganeyama Roshi Issho Fujita Gensho San Nishii sensei Mari Fuji sensei
LES MAITRES RENCONTRES
SUR MON CHEMIN

Pierre Taigu Turlur sensei
et comme je ne peux pas tous les nommer on les retrouve tous sur ce blog ainsi que dans le livre puisque c'est pour leur rendre hommage que je l'ai écrit principalement.